jeudi 26 juin 2025

Wilco à la Cigale (23/6/25)


 Cela faisait 6 longues années que la bande à Jeff Tweedy n'était pas passée par Paris... De manière incompréhensible, Wilco fait souvent l'impasse sur la France lors de ses tournées européennes.... Et pourtant le Trianon en 2019 et la Cigale en 2025 étaient sold out des semaines à  l'avance...

Quelle frustration sachant que l'on parle d'un des tous meilleurs groupes au monde, capable de tout, d'exceller dans le rock indé à guitares stratosphériques, dans la country pur jus, dans le folk émancipateur, dans la finesse de la pop... Wilco a tellement de cordes à son arc que c'en est presque indécent.


Maitrise, don de soi, envie, énergie collective intense, c'est un peu tout ça à la foi un concert de Wilco. Entre 99 et 2007, Wilco a tout de meme sorti 4 chefs d'oeuvre : Summerteeth et sa pop ciselée, Yankee Hotel Foxtrot, le disque ou Wilco se réinventa en déconstruisant et reconstruisant ses chansons avec un mix final de Jim O'Rourke sublimant la nouvelle vision sonique de Wilco. Le meme O'Rourke produisant cette fois de bout en bout le génial A Ghost is born avant que Sky Blue Sky ne vienne rappeler les racines folk, blues, country du groupe...

Depuis, Wilco sort tous les 2 ans des disques de belle facture toujours remplis de mélodies et de cette envie de repousser les limites des chansons... Un groupe inspirant.


En live, ce groupe est virtuose. Il puise dans son immense discographie perles sur perles... Handshake Drugs permet au génial Nels Kline de se chauffer sur le solo final avec l'appui d'un Jeff Tweedy dont on sous-estime les talents de guitariste, magistral. 

I'm trying to break your heart et ses descentes de toms et ses parties bruitistes jouissives fait toujours son effet. Le talisman pop Whole Love est suivi par le récent Bird Without a Tail qui permet à Kline de s'envoler avant le moment irréel de ce show avec Impossible Germany. Nels Kline livre une masterclass avec un solo d'une intensité émotionnelle folle. La foule devient dingue et lui fait une standing ovation de plusieurs minutes... On vibre comme rarement...


Sur Via Chicago, on se mettra à pleureur avec la remontée à la surface de souvenirs de personnes chères connues sur place et des intenses et pures émotions de cette période... On continue dans le sublime avec Quiet amplifier et ses arrangements somptueux...

Le temps passe si vite, tout le monde est conquis et vient deja I'm the man who loves you et la fin du concert. Le rappel avec California Stars (chanson écrite par Wilco et Billy Bragg sur un texte laissé par la légende Woody Guthrie) nous replonge dans le bonheur simple du partage... Le classique I got you et son rock sautillant clôt une soirée magnifique qui restera dans nos cœurs 

Wilco ou le groupe ultime.

A lire également Wilco au Grand Rex, à Millenium Park et en Best Song Ever

lundi 2 juin 2025

Honeyglaze, October Drift et CQ Wrestling à Block Party (30/5/25)


Pour sa 3ième édition, le festival itinérant organisé par le Supersonic, Block Party, a pris ses quartiers dans le coin de Bastille en connectant plusieurs belles salles (Café de la Danse, Badaboum, Pop-up...). Quel bonheur de découvrir la fine fleur de la scène indépendante avec beaucoup de groupes en provenance du Royaume-Uni où les guitares ne semblent pas vouloir encore rendre l'âme.

On attendait avec impatience de découvrir sur scène le trio Honeyglaze sur la scène du Café de la Danse. Après un 1er album sur Speedy Wunderground, produit par le faiseur de talents Dan Carey (Fontaines D;C., Wet Leg, Squid...), Honeyglaze prend son envol avec son 2nd disque, Real Deal, une merveille de pop sensible et percutante...


Le trio débute son set par l'envoutant I feel it all, extrait de Real Deal. Dès le départ on a des frissons. Tout en épure avec notamment une basse frottée avec un archet, le morceau installe une ambiance rêveuse. La voix d'Anouska Sokolow nous prend par les tripes sur un sujet où elle se met à nu en évoquant son hypersensibilité. On est conquis d'entrée... 

Le groupe enchaine avec le très vindicatif Don't, qui creuse la thématique précédente mais tout en tension et rage émancipatrice. La batterie à la fois technique et à contre temps de Yuri Shibuichi amène un groove irrésistible. La partie noisy nous enchante et montre qu'Honeyglaze a plus d'une saveur dans son sac...

Le jeu du bassiste, Tim Curtis, est tout autant original que celui de ses compères. Il utilise de nombreux effets (distorsion, echo, reverb) pour donner une place centrale à son instrument et apporter une touche singulière à l'ensemble... On sent un groupe soudé où chacun apporte sa pierre indispensable à l'édifice... 

Avec des chansons comme Pretty Girls ou Ghost, Honeyglaze expose un univers fascinant qu'on est heureux de pouvoir découvrir en live. Un groupe à suivre, assurément...


Changement d'ambiance, 50 minutes plus tard, toujours au Café de la Danse avec le quatuor de Somerset October Drift. On est plutôt sur une power pop endiablée où l'énergie vitale est exultée et érigée en valeur fondamentale... Le groupe a dejà a son actif 3 albums mais est encore relativement peu connu en France.

Ce concert va vite partir en vrille. Le chanteur, Kiran Roy, fait rapidement un 1er test en allant chanter dans la fosse, puis en montant dans les gradins pour se hisser jusqu'à la plateforme du Café de la Danse pour demander aux spectateurs de se mettre en dessous pour le réceptionner...



A partir de là le concert va devenir complètement fou, le guitariste descend à son tour dans l'arène, et un cercle en mouvement s'organise autour de lui. Kiran demande ensuite au public de se séparer en deux avant un mosh pit qui lance le 1er pogo de la soirée... Et ce sera comme ça toute la soirée, une succession d'allées et venues entre la scène et la salle, le tout dans une ambiance bon enfant, entre potes... 

On sent une extrême générosité de la part d'October Drift et le public le lui rend bien. Un concert enthousiasmant qui file la banane... Qu'est ce que ca fait du bien...

On part finir la soirée au Badaboum pour voir CQ Wrestling qui délivre un rock de pub carré, puissant et hyper efficace. Une chanson comme Wayfinding a tout d'un tube avec son couplet groovy et son refrain fédérateur. 

Une soirée exaltante qui prouve une fois encore que la guitare n'est pas encore morte grâce à nos amis anglais...

A lire également la scène pop rock indé UK avec Fontaines DC, Wet Leg, Squid...

lundi 3 mars 2025

Heartworms à Petit Bain (1/3/25)


C'est toujours un plaisir de découvrir de nouveaux artistes sur scène. C'est à cette occasion que l'on peut ressentir ce qu'ils ont envie de donner et de montrer au monde extérieur. C'est un peu comme une première rencontre, on ne sait jamais comment ca va tourner. Et la rencontre avec Joséphine Orme, aka Heartworms dans l'intimiste Petit Bain fut d'une rare intensité..

Signée sur le très estimable label de Dan Carey, Speedy Wunderground, Heartworms suscite d'emblée notre curiosité. On adore en ces pages le metteur en son iconique des années 20; Monsieur Dan Carey, qui, rappelons le, a produit toute la nouvelle scène britannique intéressante ces dernières années : Squid, Wet Leg, Black Midi, Fontaines D.C. (avant la consécration Romance produit par un autre magicien du son : James Ford).


Heartworms est le projet solo de Josephine Orme plutot qu'un vrai groupe, sauf sur scène où un batteur et un guitariste viennent supporter Jo. Le groupe joue un rock que l'on pourrait qualifier de gothique moderne. Ambiance sombre, lumière bleue ou rouge qui rendent l'atmosphère étrange, presque inquiétante. 

Jo Orme joue à fond la carte de la théâtralisation. On vit une Siouxsie version années 20 même si les intonations de voix dans les aigues nous font aussi penser à Emily Kokal de Warpaint. On est tout de suite happé par le magnétisme de la jeune femme. On sent que cette persona lui permet de transcender ses émotions et de dépasser une certaine timidité qu'elle revendique. Sur scène, elle lâche les amarres et nous envoie une énergie d'une rare intensité.


On se prend au jeu rapidement. Un moment fort du concert a vu Jo réussir à imposer un silence quasi religieux dans la salle, s'approchant du public en dégageant avec ses mains son visage de ses cheveux hirsutes pour mieux regarder son public dans les yeux puis en recitant un poème aux propos lourds de sens ("we are the people you bury underground" répété en boucle).

Avec des chansons comme Jacked et son riff de guitare obsédant, Mad Catch son beat sautillant et sa mélodie de guitare joueuse ou encore Extraordinary Wng (très Warpaint) et ses envolées vocales belles à en pleurer, Heartworms possède déjà un répertoire d'une grande qualité.


On est pris dans un flux porteur du début jusqu'à la fin, une belle claque et la sensation d'avoir vu un monstre (dans le bon sens du terme) à qui on promet une brillante carrière, elle a tous les atouts en main...

A lire également, Warpaint en concert ou en Best Song Ever ou encore The Cure, des influences certaines...

mardi 25 février 2025

Jack White à la Cigale (21/2/25)


 C'est certainement l'évènement Rock de ce début d'année 2025 : la venue de Monsieur Jack White pour 3 soirées consécutives à Paris. Forcément sold out en quelques minutes, un premier concert à la Cigale et 2 au Trianon, un pop up store Third Man Records à Pigalle et une ferveur collective rarement ressentie, tous les ingrédients essentiels pour vivre un moment inoubliable.

On passe au Pop up store dans l'après-midi pour y retrouver les vinyles Third Man Records (notamment The Music of Heatmiser, les premiers enregistrements du groupe punk rock d'Elliot Smith), les pédales de guitares made in Third Man et même une émission de Oui FM en direct... Tout ça dans 15 mètres carrés... Bonne ambiance et joie de vivre sont déjà présentes...


Et le soir à la Cigale, c'est une effervescence. Le groupe commence à 20h30 dans une ambiance surchauffée. Avec No Name, son album surprise de l'an dernier, sorti  dans un premier temps en vinyle sans aucune promo et sans signe distinctif (pochette bleu foncé sans indication), renforçant un effet de surprise et de mystère totalement perdus en ces temps modernes où tout va si vite, où tout se vaut, se partage et s'oublie, Jack White revient à l'essence même de son amour pour un rock primaire et direct.

Il ressuscite, en quelques sortes, l'esprit White Stripes qui nous a tant passionné et nous passionne encore en ces pages. Mister White nous avait un peu perdu ces dernières années avec son rock/folk sophistiqué. Ce retour aux sources, le demi siècle passé est salvateur pour lui et son public. La présence de la jeune génération au concert montre certainement la pertinence du propos.


J'ai un respect immense pour Jack White, guitariste incroyable, chanteur authentique, patron de label, entrepreneur engagé et ayant œuvré énormément pour le retour du vinyle dans les années 2010. Une parcours remarquable.

Le concert débute de manière frontale et volcanique avec 2 extraits de No Name : Old Scratch Blues et That's how i'm feeling, l'ambiance est survoltée et monte encore d'un cran avec Fell in love with a Girl des White Stripes. Little Bird ou Hotel Yorba ne referont pas descendre la température. Il y a de la joie sur les visages, l'énergie est palpable et enivrante, c'est un vrai plaisir partagé par tous ce show de Jack White. Ca fait tellement de bien... 


Broken Boy Soldier des Raconteurs et Cut like a Buffalo de Dead Weather enfoncent le clou alors que What's the Rumpus, extrait de No Name, sonne comme un hit immédiat à  nos oreilles. Une première partie de concert clôt en 45 minutes... C'est déjà la fin? Non quand même pas...

Jack White et ses acolytes reviennent sur scéne pour 40 minutes supplémentaires avec la même énergie avec notamment Screwdriver des Stripes, Lazaretto, l'incandescent Tonight (was a long time ago) et bien sûr le final sur le mythique Seven Nation Army, what else to finish? Ambiance stade de foot, joie collective et bonheur d'une soirée réjouissante...

A lire également Jack White à l'Olympia il y a quelques années... ou encore the White Stripes et les Raconteurs en Best Song Ever

jeudi 6 février 2025

Frank Black au Trianon (4/2/25)


Cela faisait plus de 10 ans que Frank Black n'avait pas fait de tournée en solo en dehors des Pixies. Depuis le retour discographique des lutins en 2013, les Pixies et leur machine à cash étaient devenus le job à plein temps de Charles Thompson alias Black Francis. C'est donc avec surprise et une joie non dissimulée que l'on se rend au Trianon pour un concert en hommage aux 30 ans du second album solo de Frank Black, l'ambitieux "Teenager of the Year".

3 ans après avoir implosé les Pixies, Black Francis prend le nom de Frank Black pour livrer le second chapitre de sa carrière solo. Avec un titre pareil, on pense tout naturellement à un clin d'oeil au "smells like teen spirit" qui renversa la table pour imposer l'indie rock US dans le mainstream, mais non... Charles Thompson aurait reçu, au lycée à la fin des années 80, 50 dollars et une médaille au titre de "Teenager of the Year". Amusant...


Encore soutenu par sa maison de disques, Frank Black a pu passer du temps en studio avec notamment Eric Drew Feldman (ex Pere Ubu qui produit ce 2nd disque après avoir produit le 1er éponyme 2 ans auparavant), le fantastique guitariste Lyle Workman et même son compère des Pixies Joey Santiago par intermittence. Les protagonistes se sont amusés comme des fous et ont enregistré un double LP, soit pas moins de 22 chansons. Chose rendue plus simple avec l'avènement du CD dans les années 90, les limites des 40 minutes du LP vinyle se transformant en 70  minutes de musique sur un Compact Disc, pour le meilleur et pour le pire selon les cas...

Black explore, s'amuse, laisse libre cours à son imagination, amenant synthés, ambiances dub ou country à sa palette punk rock version Pixies. Certainement, Frank Black conclue en 95 sa période dorée (87/95) où tout se qu'il produit devient un classique... La suite de sa carrière (les Catholics, les albums post reformation des Pixies) sera souvent très en dessous de tout ce qui sera sorti pendant ces 9 années dorées.


Revisiter Teenager of the Year est donc une belle idée. Entouré du line up presque originel (avec Feldman et Workman notamment) on sent que Frank Black s'amuse sur scène. Les fans des Pixies seront surpris d'entendre le son de sa voix entre les morceaux (dans un concert des Pixies ni lui ni ses acolytes ne prononcent un mot). Il annonce même le nom de chaque morceau...

Cette tournée est certainement comme une récréation entre potes, entre deux tournées des Pixies et la pression d'un groupe culte redevenu son gagne pain quotidien. Les morceaux sur scène reprennent cette veine fun et décontractée. Le slogan publicitaire de l'époque était flatteur en proclamant qu'il s'agissait du meilleur album que les Pixies n'avaient jamais fait (the best album Pixies never made), mais il y a du vrai dans cette assertion.

La dynamique punk rock des Pixies est toujours sous jacente mais les arrangements sont plus indés, plus sophistiqués et donc un peu moins pop que les gimmicks si évidents (et donc pop dans le beau sens du terme) de Joey Santiago (un grand guitariste trop sous estimé). 


Teenager of the Year regorge de perles qui prennent toute leur essence en live. Le début du show est un récital, punk avec Whatever happened to Pong, rêveur Abstract Plain ou pop rock qui tue avec Calistan. Sans oublier la pop song ultime sous influence Beach Boys  : Headhache (les choeurs dans la seconde partie entourant la voix de tête de Black sont à tomber...), certainement l'une des toutes meilleures chansons écrites par Frank Black... 

Et le filet de perles grossit au fur et à mesure du concert avec Olé Mulholland, Freedom Rock, Two Reelers, Fazer Eyes... On en prend plein les oreilles, l'ambiance est bon enfant dans la salle avec un pogo sympathique devant la scène sur tous les morceaux un peu mordants. Sans surprise la moyenne d'âge est assez élevée, encore plus que pour un concert des Pixies.

Teenager of the Year est donc joué en intégralité et dans l'ordre du disque. Le show se terminera par 3 titres du 1er album de Frank Black (album éponyme) dont le superbe Los Angeles, 1er single solo de l'ancien Pixies, une tuerie en live...

Les vibes sont super bonnes, on passe un excellent moment, trop contents de voir Frank Black au sommet de son art...

A lire également les Pixies rejouant Bossa Nova/Trompe le Monde à L'Olympia. ou encore Frank Black à la Cigale