Après un 1er retour dans la capitale l'an dernier au Trianon, Ryan Adams remet le couvert pour un set solo acoustique au Bataclan cette fois ci. Mes sentiments sont vraiment ambivalents concernant un artiste que j'ai longtemps considéré comme l'un des plus doué de sa génération...
La décennie 2000 aura été la sienne. Convoquant le folk expressif d'un Dylan sur Heartbreaker (2000) le combinant au classic rock des Stones sur Gold (2001), sortant ensuite son meilleur disque, Demolition, qui n'est pas un album mais une compilation de faces B et de raretés avant de publier son chef d'oeuvre, Love is Hell (2 EPs en 2003 et 2004 combinés sur un même disque par la suite).
La sortie de Love is Hell est révélatrice des intentions du chanteur. C'es un disque triste mais d'une beauté fascinante. Adams y trouve les mots, les intentions, les atmosphères pour réconforter tout auditeur en quête de chaleur humaine dans un contexte de désillusion et de solitude existentielle... La maison de disques n'ayant pas voulu sortir ce disque dépressif et anti commercial, il leur pond Rock & Roll, un disque à la Strokes sauce Stones, facile d'accès et rempli de mélodies catchy... Et négocie la sortie dans la foulée de Love is Hell en 2 EPs...
En 2005, Ryan Adams sortira 3 disques, assez inégaux, même si Cold Roses reste l'un des LPs favoris des fans ultra. Ensuite, le songwriter américain continuera de sortir de très beaux disques (Easy Tiger, III/IV, Ashes and Fire) avant de tourner un peu en rond dans les années 2010.
Puis vint l'année 2019 et les accusations de manipulations psychologiques envers plusieurs femmes et des promesses de les aider dans leurs carrières dans le but d'avoir des relations sexuelles (Enquête du New York Times), Adams réfutera ces accusations tout en s'excusant pour le mal qu'il aurait pu causer... A partir de ce moment là, la carrière de Ryan Adams aura pris un rude coup et il a été pas mal blacklisté et honni par ses pairs...
Adams a recommencé à tourner, en solo, seulement l'an dernier. il a sorti 4 albums cette année (idem en 2022) tentant de reprendre le fil d'une carrière brisée par ces révélations... Lorsqu'il est apparu sur la scène du Bataclan, je ne l'ai absolument pas reconnu, avec l'annonce d'un speaker "please welcome Ryan Adams" j'ai crû à une blague... C'était comme si Jack Black venait faire sa 1ere partie... Mais non, dès les premières notes de sa voix, c'est bien Ryan qui se tient devant nous...
Quoi qu'on puisse penser de cette affaire, on voit bien aujourd'hui que l'homme a pris cher depuis. Exit le Dandy cool et classieux, place à un caricature du farmer obèse américain... Méconnaissable... La voix, heureusement est toujours là. Chaude, expressive, au timbre si familier à nos oreilles.
Après avoir enchainé quelques classiques de son répertoire en guitare voix ou piano voix, sans dire un mot à son public, Ryan Adams se détend et commence à interagir avec l'auditoire... Il se révèle attachant, attentif à ce qui se passe autour de lui, notamment lorsqu'il demande une bouteille d'eau pour une fan qui tousse au 1er rang ou lorsqu'il enjoue un spectateur à passer le bras autour de sa petite amie que de filmer avec son smartphone... Il fera une longue diatribe sur Spotify et le fait que le streaming appauvrit les artistes indépendants (il se fera longuement applaudir...).
Adams oscillera entre classiques (oh my sweet Carolina, Everybody Knows, Two, New York, New York, Firecracker) et reprises 60s dont il a le secret (Bob Dylan, The Doors, Velvet Underground...). C'est très plaisant, on passe un bon moment. On se souvient pourquoi on a tant aimé cet artiste, notamment sur l'enchainement Dar Chicago, English Girls approximately et This house is not for Sale. Les émotions remontent, les souvenirs également...
Il y a quelque chose de touchant de voir un artiste qui a compté, tenter de repartir à la conquête de son public malgré les stigmates bien visibles de sa récente déchéance. Est ce de la nostalgie, une certaine pitié inavouée ou tout simplement ce plaisir de retrouver quelqu'un qui a compté et peut encore compter en nous connectant à une partie de nous mêmes qui reste intangible malgré l'impermanence?...
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