Point d'orgue de la tournée Wild God, le concert de Nick Cave and the Bad Seeds dans l'arène de Bercy fut, une nouvelle fois, un moment de rare communion entre un artiste et son public.
On ne présente plus l'immense Nick Cave. Avec près de 45 ans de carrière, c'est un revenant, une survivant. Il s'est relevé de tout, des excès, de la folie, des amours passionnels qui finissent en déchirement mais surtout des drames personnels. Ces dernières années, il a perdu 2 fils.
Personne ne se remet vraiment de telles tragédies mais la façon dont Nick Cave a tenté de surmonter la douleur en mettant son énergie au service de sa musique force le respect. Avec les Red Hand Files sur son site internet, il a pris le temps de répondre à toutes les questions de ses fans, chacun, incluant Cave, partageant ses traumas intimes, en tentant par leur expression, leur partage, un travail de résilience salutaire et tellement courageux.
La lecture du livre d'entretien de Nick Cave avec Sean O'Hagan, "Foi, Espérance et Carnage" est sur ce point édifiante. Avec honnêteté, transparence et humilité, Cave raconte son désarroi, son désœuvrement et comment il essaie de se reconstruire en poursuivant une forme de spiritualité, dont les racines de la quête sont certainement antérieures à ces drames... C'est beau, souvent émouvant et très inspirant...
Après plusieurs albums en duo avec l'immense Warren Ellis, Nick Cave est revenu cette année avec un album des Bad Seeds :l'excellent Wild God. Le disque d'un survivant, très certainement. Les arrangements de synthés de Warren Ellis apportent une chaleur et une douceur tandis que les choeurs d'inspiration gospel affirment, au diapason, une envolée élégiaque, plaçant ces nouvelles chansons en orbite autour d'un soleil puissant. Ce mur du son dense et à la large profondeur, mixé par les mains expertes du maitre Dave Fridmann (Mercury Rev, Flaming Lips, Mogwai...) nous donne l'impression de rentrer dans une cathédrale.
Dans "Foi, Espérance et Carnage", Nick Cave a cette réflexion très éclairante sur la façon dont il s'est reconstruit après le deuil "je crois au fond que vivre c'est ça, mourir à soi-même et puis renaitre"
Il ajoute quelques phrases plus loin que "l'impulsion religieuse, chez certains d'entre nous (...) engendre 'r) un épanouissement de la personne, la possibilité de grandir et de se déployer en tant qu'être humain au lieu de se contracter".
Cela résume totalement l'expérience d'un concert de Nick Cave and the Bad Seeds. On a l'impression d'assister à une messe païenne, à une célébration autour d'un chaman, d'une impulsion de vie d'une intense authenticité.
Les chansons de Wild God se prêtent entièrement à cet exercice et on aura droit à la quasi intégralité du disque interprété par Mister Cave et sa troupe. Dès le départ avec Frogs, Wild God et Song of the Lake on se retrouve emporté dans un tourbillon d'émotions d'une rare intensité. C'est beau, ca réchauffe le coeur, ca embarque nos âmes...
Pendant près de 2h30 on va avoir droit à une déferlante de chansons ultra puissantes : O Children, Jubilee Street, From Her to Eternity, Tupelo, Conversion et sa mantra (touched by the spirit touched by the flame)... Cave plaisante beaucoup avec Warren Ellis, on sent cette complicité empreinte d'un profond respect entre les 2 hommes. Ellis s'amusera de la remarque de Cave sur le fait qu'il habite pas loin en précisant en français d'un air amusé qu'il paie ses impôts en France.
On remarquera la présence à la basse de Colin Greenwood de Radiohead. A la fin du set, les 2 titres immuables des setlist de Mister Cave, Red Right Hand et Mercy Seat viendront définitivement raviver la flamme d'une communion aussi belle que mémorable...
Une soirée en tout point magnifique et pour laquelle on ne peut dire que Merci...
A lire également Nick Cave à Rock en Seine