Traditionnelle fin d'été avec le festival francilien de Rock en Seine. Après une édition 2022 (1ere post covid) record avec 150 000 spectateurs sur 4 jours, l'édition 2023 se solde par une très légère baisse à 144 000 personnes. Dans le détail, 3 soirées sold out à 40 000 personnes avec 2 énormes têtes d'affiche (Billie Eilish et The Strokes) et un vendredi soir à seulement 24 000 personnes...
Quand on se souvient qu'à la grande époque de Rock en Seine avec l'équipe fondatrice (François Missonnier avec ses acolytes de Radical Productions et Garance) la jauge maximum était à 30/33 000 personnes par jour et que le site a toujours la même taille, on comprend la logique productiviste des nouveaux propriétaires... Avec 40 000 personnes, le confort et le plaisir d'écoute et de déambulation dans le festival n'est pas le même qu'à 30 000....
Après il ne faut non plus etre surpris lorsque qu'un géant américain de l'entertainment (EAG) rentre au capital avec un ancien banquier, on ne peut que s'attendre à voir un P&L qui a de la gueule et donc un Chiffre d'affaires et un ebitda qui augmente... Quand on entend que Billie Eilish aurait demandé 1,5 millions d'euros de cachet (soit 3 fois plus que The Cure en 2019, dejà inaccessible pour le festival à l'époque Missonnier), on comprend mieux pourquoi une soirée décalée lui est dédiée avec des tarifs de base proche des 100 €...
Le risque est que Rock en Seine se transforme en soirées dédiées à une mega star autour de quelques faire valoir... Mais la présence à la direction d'un programmateur, Matthieu Ducos, qui a fait toutes ses armes à RES depuis 2004 et de nature à nous rassurer sur le court terme. La programmation 2023 était d'ailleurs prometteuse avec un esprit RES historique bien présent dans l'ensemble sur les 3 jours du weekend (hors soirée spéciale du mercredi) et bien plus que le combo samedi/dimanche de l'édition 2022 par exemple...
Le vendredi commence fort avec les américains de Turnstile qui enflamment la scène de la cascade. Dans la lignée musicale d'un Rage Against the Machine mais avec un chant plus rock traditionnel, Turnstile ne fait pas dans la finesse mais délivre une énergie libératrice parfaite pour commencer un festival. Sur la grande scène, la présence à RES de Bertrand Belin pourrait surprendre, mais ce serait oublier que le chanteur français aux paroles quelque peu surréalistes est un excellent guitariste. Dans un mood plus rock qu'à l'accoutumée il délivre un set très plaisant.
Sur la scène du Bosquet, nos chouchous d'En Attendant Ana amènent douceur et beauté au domaine de Saint Cloud. Leur pop à guitares, magnifiée par la trompette de Camille Fréchou nous remplit de félicité... Le supergroupe Boygenius nous aura un peu laissé de marbre, tandis que les punks de Pogo Car Crash Control auront fait chavirer l'assistance avec leur set puissant, bordélique et ultra speed... avec l'image la plus délirante de ce Rock en Seine, le guitariste sur une planche de surf portée par la foule en train de jouer un solo... Waow...
Bracco et leur indus post punk nouas aura impressionné. La tête d'affiche, Placebo aura livré une prestation plutôt intéressante, bien que quasi centrée sur leur nouvel album, mais on aura filé avant la fin du set pour voir l'une des toutes premières prestation live en solo de Romy, la chanteuse de The Xx. Commencé par un Dj Set très electro dance, Romy aura pris le micro pour chanter ses 1ers singles dont Enjoy your Life. Une belle manière de terminer cette 1ere journée.
Le samedi commence par la découverte d'Ethel Cain et de sa dream pop qui nous fait penser à Mazzy Star (belle référence). Sur la Grande Scène, Altin Gun aura ensoleillé la journée avec leur pop rock psyché brassant les cultures. Dans la foulée, Noga Erez ne fera pas retomber l'enthousiasme avec son groove ultra moderne. Dry Cleaning aura un peu déçu, on les sentait quelque peu rincé. Confirmation de la bouche de Florence Shaw, il s'agit du dernier concert d'une tournée marathon...
Les invités surprise de dernière minute, Cypress Hill, qui remplace au débotté Florence and the Machine, remportent haut la main la mise. Ces légendes du hip hop, venus deja 2 fois à RES, ont tout cassé. Ils en auront profité pour célébrer les 30 ans de leur album culte Black Sunday en l'interprétant en intégralité sur la Grande Scène. Magique...
La grande autre claque de la soirée sera le show monumental des Chemical Brothers. On les a vu un paquet de fois et on n'a jamais été déçus. Leur musique electro big beat est intemporelle. Ils auront joué tous leurs classiques (Star Guitar, Galvanize, Setting Sun, Block Rocking Beats, Hey Boy Hey Girl...) et nous auront transporté tellement loin avec des visuels psyché démentiels... Formidable...
Dernière journée commencée des 14h avec l'excellente Angel Olsen. Son americana aux envolées lyriques est sublime en ce début d'après-midi dans le cadre bucolique du Parc de Saint Cloud. Le duo Nova Twins pulse sur la Grande Scène mais c'est surtout l'ex chanteur de Supergrass qu'on attend sur la scène de la Cascade. Très classe, Gaz Coombes livre une prestation solide avec belles chansons pop sucrées.
The Murder Capital justifie son aura de groupe post punk à suivre mais encore une fois ce sont les Young Fathers qui raflent la mise. Toujours aussi intenses, toujours aussi puissants et ce malgré la pluie qui nous pendait au nez depuis 2 jours et finalement arrivée pendant leur show... Des phénomènes, vraiment...
Pour terminer, la polémique The Strokes... le groupe que des milliers de festivaliers étaient venu voir aurait déçu, voir meme choqué les spectateurs selon la presse écrite, toujours avide de polémiques (ca fait le buzz). De mon point de vue, j'aurai vu pendant 40 minutes l'une des meilleures prestations du groupe (comparativement à des shows en 2006 et 2011). Le son est équilibré (malgré quelques décrochages sonores intempestifs), la voix de Casablancas est audible et en place et surtout quel setlist de départ : Whatever happened, Alone Together, Last Nite, The adults are talking, Juicebox, you only live once... Que des titres fantastiques. Jusqu'à Ode to the Mets, dont l'émotion nous aura scotché, c'est un sans faute....
Et après cela, ca dérape...La faute à un Casablancas qui parle trop et veut trop faire son malin en improvisant des reprises sans intérêts, comme un sale gosse qui tout d'un coup veut casser son jouet parce que cela l'amuse... Après ne faisons pas semblant de découvrir que The Strokes est un groupe de branleurs qui se fout un peu de tout... C'est depuis leur début leur marque de fabrique...
Au final, un bon cru ce Rock en Seine 2023...
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