La mythique salle de l'Olympia a accueilli la grande PJ Harvey pour deux soirées à guichets fermés depuis des mois. Artiste d'exception, Polly Jean avait marqué les années 90 par son rock racé, épuré et incisif. Pour beaucoup PJ incarnait le meilleur d'un rock indé sans concession et porteur des valeurs mêmes de ce mouvement : l'authenticité, la force vitale et la fureur de vivre...
Polly Jean n'aura eu de cesse de se réinventer et de tenter à chaque album d'apporter quelque chose de différent. Après l'âpreté et l'incandescence de Dry et Rid of me, elle opère un premier tournant avec To bring you my love en 95 et un album aux consonances plus variées et downtempo. Suivront 3 très bons albums alliant pop, rock, fureur et merveilles...
En 2007, PJ Harvey surprend son monde et ses fans avec White Chalk. Un album au piano où la chanteuse change radicalement sa manière de composer et surtout de chanter. Très austère et pas facile d'accès pour les fans de la première heure, le disque ne laisse personne indifférent...
En sortant le 14 février dernier son 8ième album, Polly Jean poursuit dans ce nouveau sillon. Sur ce disque, elle se transforme en storyteller. Après avoir étudié l'histoire de l'Angleterre et de ses guerres, elle compose des textes racontant ces histoires de soldats et de violences millénaires, le tout à la recherche d'un certain humanisme.
Pour ré-équilibrer ces écrits guerriers, PJ aura volontairement composé une musique pastorale aux relents pop et utilisé ses nouvelles facultés vocales hautes perchées pour exprimer ses fables sans affect.
A la manière d'un Thom Yorke qui aura su depuis 10 ans utiliser sa voix comme un véritable instrument, PJ s'ouvre de nouveaux horizons... L'album est plutôt réussi et s'écoute facilement. Il offre une nouvelle facette d'une artiste en perpétuelle évolution. Cette volonté de continuer à explorer de nouvelles voies ne peut être que saluée tellement elle apparait rare de nos jours parmi les musiciens reconnus et établis...
Alors venons en donc à ce passage olympien... La totalité de Let England Shake est interpreté note pour note par PJ et ses trois acolytes (dont les très fidèles Mick Harvey et John Parish). Ceux qui ont découvert PJ avec cet album sont aux anges. Les anciens fans aussi, contents d'être là et de voir Polly Jean en action... Mais après chaque chanson, on se demande à quel moment la belle va laisser tomber son auto-harp pour reprendre sa telecaster et nous balancer quelques-uns des brûlots qui auront jalonné sa carrière... Et on attendra longtemps... Même le jubilatoire Big Exit apparait fade car réinterprété à la sauce Let England Shake... Ca fait du mal de le dire mais on s'ennuie ferme...
On sort forcément déçu, on aura vu qu'une facette de la fantastique PJ Harvey... Quand on sait tout le talent de notre anglaise on a vraiment l'impression d'être passé à côté des sensations qu'on aurait aimées ressentir. On salut la performance du jour et la volonté de se réinventer... mais pas en faisant table rase du passé... Il manquait le coeur de la carrière de PJ. A la différence d'un Thom Yorke, elle n'aura voulu tenter la posture, certes schizophrène, consistant à revisiter toutes les facettes de sa carrière au cours d'un même show... Et c'est ce qui nous laisse sur notre faim...