Une décennie s'achêve et c'est déjà le temps des bilans. En sept épisodes, on va essayer de se repasser le film de ces années musicales, histoire de reprendre le train en marche, de tenter les premières analyses avant de s'engouffrer le coeur léger vers les années dix, forcément passionnantes...
Après le Retour du Rock, on continue notre quête avec ce troisième épisode autour du Rock et de ses chapelles abrasives, parfois déviantes...
Les Années 2000: une décennie musicale décevante? Episode 3...
Le Rock et ses chapelles abrasives, parfois déviantes...
Du côté du rock plus brutal, il faudra encore une fois regarder de l’autre côté de l’atlantique, avec, malheureusement, la continuation du mouvement Nu Metal (Limp Bizkit, Sum 41 et autres horreurs mais avec une seule réussite System of A Down) qui ne fait que servir une mixture édulcorée pompée sur les racines Fusion emblématiques des années 90 (Red Hot Chili Peppers, Rage Against the Machine, Korn…) et l’évolution brillante du Stoner Rock californien grâce, notamment, au génial Josh Homme, ancien de Kyuss précurseur du mouvement, qui avec Queens of The Stone Age apporte une vraie fraicheur avec ce rock lourd et abrasif aux accents psychédéliques enfumés. Leur troisième album ‘Songs for the Deaf’ (2002), qui marque le retour à la batterie du cultissime Dave Grohl (Nirvana), restera l’un des monuments de la décennie.
Dans le même temps qu’émergera le Stoner rock, un autre versant du rock psychédélique se développera en Californie autour de la scène de San Francisco et des barrés Brian Jonestown Massacre du génie démiurge et démoniaque Anton Newcombe qui aura réussi à faire grandir autour de lui toute une scène underground de qualité depuis le milieu des années 90 (les éminents représentants en seront les Dandy Warhols, Black Rebel Motorcycle Club et les Warlocks…). C’est seulement avec la sortie en 2004 de l’incroyable documentaire DIG, devenu culte, filmé sur sept années, montrant l’évolution de deux groupes emblématiques de cette scène (Brian Jonestown Massacre et The Dandy Warhols), que les BJM éclateront à la face du monde et commenceront à recevoir les lauriers tellement mérités d’un groupe culte maudit qui refusa obstinément que le succès ne s’impose à lui et vienne corrompre sa musique de quelque façon que ce soit.
En Europe, à noter les formidables petits frères belges de Radiohead version The Bends : dEUS qui avec Pocket Revolution en 2005 puis The Vantage Point en 2009 ont sorti deux brillants disques de rock indé toutes guitares hurlantes. Quelques valeurs sûres continueront d’épater durant ces dix années (PJ Harvey, Beck, Ben Harper et REM à un degré moindre) ou amorceront même un grand retour inspiré dans la seconde moitié de la décade après des débuts de décennie catastrophiques (Oasis, Metallica, ACDC). D’autres encore effectueront un retour inutile (Guns ‘N Roses) lorsque Portishead réussira un come back divin en se réinventant totalement (l’album ‘3’ sorti en 2008).
Au-delà du Rock où le retour de l’émergence d’un mouvement post-rock ?
Les années 2000 auront certainement été les années du mélange des genres, du mixage compulsif de plusieurs mouvements, de maintes influences, on y reviendra dans la seconde partie de l’article avec l’électro. Aux frontières du rock et de la pop se sera développé un songwriting exigeant mêlant diverses influences pour faire émerger, presque de manière expérimentale de nouveaux genres ou tout au moins de nouvelles formes d’interprétation de la grande scène pop rock. En fer de lance des ces défrichages sonores, on retiendra le groupe de Chicago Wilco, qui aura tout au long de la décennie su marier rock, folk, country et brillamment réconcilier mélodie, expérimentation et vision progressiste. Des albums comme ‘Yankee Hotel Foxtrot’ (2002) ou ‘A Ghost is Born’ (2004), réalisés avec l’apport des talents d’expérimentation de Jim O’Rourke (que l’on retrouvera également du côté de Sonic Youth) restent des modèles d’invention d’arrangements originaux au service d’une mélodie d’une rare beauté. Wilco ou le pendant américain de Radiohead.
En termes d’expérience sauvage et tous azimuts les New Yorkais de Liars ne sont pas en reste. Flirtant avec la dissonance, la bizarrerie mélodique et la folie pure, ils réinventent un rock tête chercheuse et tentent d’explorer de nouveaux territoires. Des aventuriers dont l’écoute des albums éponymes Liars, sorti en 2007 et ‘Drums not Dead’ de 2006 (tout un programme) raviront les adeptes de recherches soniques jamais loin d’une certaine idée de l’avant-garde.
De la scène New Yorkaise, on ne pourra passer à côté des maitres absolus du bruit maitrisé, de l’improvisation sonique débridée depuis plus de 20 ans : les cultissimes Sonic Youth. Ils ont commencé la décennie par l’incroyable tournée ‘Goodbye 20th Century’, du nom de l’album sorti sur leur propre label où ils y réinterprétaient des morceaux de compositeurs contemporains du 20ième siècle. Leur passage à l’Olympia en juin 2001 restera à jamais gravé comme un moment historique de maitrise sonore, bruitiste, mélodique qui n’avait rien à envier aux improvisations sauvages et toujours à propos des maitres du free jazz. Côté discographie officielle, les Sonic Youth connurent une véritable cure de jouvence, une véritable renaissance avec la sortie de Rather Ripped en 2006 et The Eternal en 2009, deux albums où ils réussirent comme jamais à trouver la parfaite alchimie entre mélodies lumineuses et expérience bruitiste. A noter la sortie en 2007 d’un excellent album solo du leader de Sonic Youth Thurston Moore (Trees Outside the Academy) qui donne une version acoustique sublime des inventions du groupe, à écouter d’une oreille attentive.
La Scène New Yorkaise aura également vu l’apparition des ambitieux TV on the Radio, qui auront su importer un son nouveau en mixant influences rock indé à la My Bloody Valentine, Soul Music et arrangements d’obédience électro grâce à la production inventive de leur leader David Sitek (à écouter leurs deux premiers albums (Desperate Youth, Blood Thirsty Babes de 2004 et Return to Cookie Mountain de 2006). On pourra également citer les défricheurs lunaires d’Oklahoma City les Flaming Lips ou les cousins écossais de Sonic Youth : Mogwai, mais le bouillonnement de la seconde partie de la décennie est à aller chercher en dehors des Etats-Unis, du côté de Montréal où une scène exigeante et en avance sur son temps s’est développée autour de collectifs comme Silver Mount Zion ou Godspeed You Black Emporor en repoussant toute idée de songwriting rock classique.
Mais ce sont bien sûr les incomparables Arcade Fire qui seront pour le monde entier les représentants les plus emblématiques de cette effervescence créative. Ils arrivent en 2005 telle une météorite en provenance d’un univers inconnu avec leur premier album Funeral. On reste encore émerveillé par ce lyrisme à fleur de peau, cette émotion intense véhiculée et ce grand maelstrom mélodique ou viennent se catapulter guitares, accordéons, violons, instruments à vent, synthé, pianos et bien d’autres encore. Leurs concerts sont presque une expérience chamanique, ils réussissent à emporter dans leur transe émotionnelle tout un public conquis et ravi de s’adonner à tant de chaleur humaine réconfortante… Certainement l’un des groupes phares de la décennie qui aura apporté quelque chose de totalement revigorant. Autre scène intéressante en terme d’exploration, l’Islande avec les atmosphériques Sigur Ros, sorte de Pink Floyd enneigé sous influence post-rock (Tortoise notamment) musique classique et rock progressiste.