dimanche 15 novembre 2009

Les Années 2000: Une décennie musicale décevante? Episode 1: Une mise en perspective...


Une décennie s'achêve et c'est déjà le temps des bilans. En sept épisodes, on va essayer de se repasser le film de ces années musicales, histoire de reprendre le train en marche, de tenter les premières analyses avant de s'engouffrer le coeur léger vers les années dix, forcément passionnantes...

On commence notre aventure avec un premier épisode qui tente de mettre en perspective ces années 2000...

Les Années 2000: une décennie musicale décevante? Episode 1...

Les années 2000 se terminent, enfin diront certains. Il est vrai que l’on n’a pas été souvent à la fête pour cette première décennie du vingt et unième siècle. Que d’espoirs insensés, de doux rêves partagés qu’avait fait naitre dans l’inconscient collectif le changement de millénaire, comme une nouvelle page blanche à écrire, en tirant un trait définitif, pour le meilleur, sur les ravages du siècle le plus meurtrier de la courte existence de l’humanité sur terre. Passée l’euphorie du réveillon du millénaire et de la victoire de bleus au championnat d’Europe à Rotterdam au terme d’une finale d’anthologie au scénario Hitchcockien, le réveil fut terrible. On est entré de plein pied dans cette décennie avec la tragédie du 11 septembre 2001 qui jeta un voile noir définitif sur ces dix années. Commencée par ce choc planétaire, la décennie se poursuivra avec la présence de l’extrême droite au second tour de l’élection présidentielle du pays de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen pour se terminer avec la plus grave crise financière depuis celle de 1929… Que de réjouissances !

La musique étant un reflet perpétuel de son temps et de l’évolution de la société, c’est dans ce contexte que nos oreilles ont du évoluer pour un voyage difficile et périlleux… Il n’est pas facile d’élaborer un retour distancié à chaud, mais essayons tout de même de jeter les bases d’un premier bilan de cette décennie musicale.

Les années 2000 resteront très certainement comme une décennie paradoxale où l’industrie du disque telle qu’elle s’était construite depuis l’avènement du rock et de la pop music dans les années 60 s’est complètement effondrée, faute d’avoir su se remettre en cause et anticiper la fin du Business Model sur lequel elle s’était construite : la production industrielle de média physiques (vinyle puis CD) pour vendre la musique produite de leurs artistes. L’arrivée de Napster (première plate forme de partage de fichiers musicaux entre ses utilisateurs : premier Peer to Peer à succès) à la fin du siècle dernier fut précurseur de ce qui allait se passer tout au long de la décennie. Les maisons de disques n’ont pas pris au sérieux, à l’époque, l’étendue de la révolution engendrée par la démocratisation d’internet et de la dématérialisation du support à la musique. En passant d’un support physique à un fichier électronique la musique a retrouvé une nouvelle liberté en devenant affranchie de tout objet que produisait l’industrie du disque. L’ironie du sort, selon la légende urbaine qui semble être bien plus qu’une légende, veut que les grands patrons des maisons de disques fussent sur le point, dès 2000, de passer un accord avec Napster, pour rendre son contenu légal et amorcer un partenariat financier. Ils eurent finalement peur et décidèrent de poursuivre Napster en justice. On ne saura jamais ce qu’il serait advenu de l’histoire si les majors avaient décidé de contrôler ce phénomène émergent en s’associant avec Napster qui était en train de devenir la référence mondiale en terme de distribution dématérialisée de fichiers musicaux. Qui sait, Napster serait peut être aujourd’hui l’équivalent d’un Yahoo ou d’un Google et les autres réseaux Peer to Peer qui suivirent : Kazaa, Emule et consorts n’auraient peut être jamais eu l’occasion d’avoir le succès qu’ils ont eu… On ne saura jamais, mais on pensera longtemps que le point de basculement pour les maisons de disques se situe à ce moment là. Elles se sont délibérément sabordées et ont enclenché leur inévitable déclin de par leurs manques visionnaires…

Les ventes de disque en France sont passées d’un pique historique en 2002 de 171 millions de disques vendus à 96 millions en 2006 (source lemonde.fr) sans que les ventes en téléchargement légal ne soient venues compenser ces pertes. On parle aujourd’hui d’un marché divisé par 2.5 depuis 2002 (en chiffre d’affaire vente physique). Durant cette décennie, les maisons de disque n’ont cessé de crier au loup en montrant du doigt le téléchargement illégal, cause de tous les maux selon leurs dires. Elles oublient de mentionner leur manque d’anticipation des changements amorcés avec la dématérialisation de la musique et ainsi le retard considérable pris en matière d’offre de téléchargement légal. Elles n’ont réagi qu’une fois que le téléchargement illégal était rentré dans les mœurs. Elles oublient également de regarder de leurs côtés et leurs manquements en termes de diversité et de qualité de leur production. A force de marketer leurs artistes, de vouloir s’insérer sur un marché, de répondre à la tendance du moment, elles ont le plus souvent produit des artistes faciles, ou chargés à copier tel artiste ou tel mouvement à la mode, quand elles ne mettaient pas en avant le recyclage facile de leur catalogue avec un abondance de Best of, compilations ou autres. Elles ont trop réagi en ayant en tête une segmentation de marché frileuse et n’ont su repérer de nouveaux talents et renouveler en profondeur leur offre musicale. Cette décennie est aussi une crise de l’offre, qui a empiré avec la perte de moyens financiers des labels rendant leur frilosité et leur manque de goût du risque encore plus flagrant et rédhibitoire. Les artistes et les consommateurs sont les premières victimes de cette politique désastreuse.

Le paradoxe de cette décennie réside dans le fait qu’avec les progrès techniques et les développements du Home Studio à moindre coût (aujourd’hui il est facile de produire une musique de qualité plus qu’honorable avec un bon ordinateur, une bonne carte son et un logiciel de musique adéquate style Pro-Tools, Cubase, Reason ou autres…) la production musicale individuelle n’a jamais été aussi importante. Il n’y a qu’à voir le succès phénoménal, en quelques années, d’un site comme My Space qui voit des milliers d’artistes, musiciens amateurs, venir partager leurs compositions sur leur page personnelle. My Space est même devenu un vecteur de communication important pour les artistes professionnels signés par les maisons de disques. Paradoxe donc d’une production amateur florissante et d’une offre professionnelle en décroissance, très peu renouvelée et d’une qualité moyenne en baisse. D’un côté une offre pléthorique, où se côtoient excellence, bon et moins bon, parfois très mauvais, où il est très difficile de se retrouver et de l’autre une offre pro beaucoup moins excitante et qui ne peut plus donner sa chance à des groupes qui mériteraient un vrai soutien.

Ainsi se pose la vraie question du soutien financier au développement des artistes. C’est le véritable cœur du problème, mais nous reviendrons sur cette question plus tard dans notre récit. Après cette introduction fondamentale sur l’environnement particulier de cette décennie, revenons sur les enseignements à tirer de la production musicale des années 2000.

A suivre l'épisode 2: Le Retour du Rock...

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