lundi 18 novembre 2024

Nick Cave and the Bad Seeds à Bercy (17/11/24)


 Point d'orgue de la tournée Wild God, le concert de Nick Cave and the Bad Seeds dans l'arène de Bercy fut, une nouvelle fois,  un moment de rare communion entre un artiste et son public. 

On ne présente plus l'immense Nick Cave. Avec près de 45 ans de carrière, c'est un revenant, une survivant. Il s'est relevé de tout, des excès, de la folie, des amours passionnels qui finissent en déchirement mais surtout des drames personnels. Ces dernières années, il a perdu 2 fils.


Personne ne se remet vraiment de telles tragédies mais la façon dont Nick Cave a tenté de surmonter la douleur en mettant son énergie au service de sa musique force le respect. Avec les Red Hand Files sur son site internet, il a pris le temps de répondre à toutes les questions de ses fans, chacun, incluant Cave, partageant ses traumas intimes, en tentant par leur expression, leur partage, un travail de résilience salutaire et tellement courageux.

La lecture du livre d'entretien de Nick Cave avec Sean O'Hagan, "Foi, Espérance et Carnage" est sur ce point édifiante. Avec honnêteté, transparence et humilité, Cave raconte son désarroi, son désœuvrement et comment il essaie de se reconstruire en poursuivant une forme de spiritualité, dont les racines de la quête sont certainement antérieures à ces drames... C'est beau, souvent émouvant et très inspirant...


Après plusieurs albums en duo avec l'immense Warren Ellis, Nick Cave est revenu cette année avec un album des Bad Seeds :l'excellent Wild God. Le disque d'un survivant, très certainement. Les arrangements de synthés de Warren Ellis apportent une chaleur et une douceur tandis que les choeurs d'inspiration gospel affirment, au diapason, une envolée élégiaque, plaçant ces nouvelles chansons en orbite autour d'un soleil puissant. Ce mur du son dense et à la large profondeur, mixé par les mains expertes du maitre Dave Fridmann (Mercury Rev, Flaming Lips, Mogwai...) nous donne l'impression de rentrer dans une cathédrale.

Dans "Foi, Espérance et Carnage", Nick Cave a cette réflexion très éclairante sur la façon dont il s'est reconstruit après le deuil "je crois au fond que vivre c'est ça, mourir à soi-même et puis renaitre"

Il ajoute quelques phrases plus loin que "l'impulsion religieuse, chez certains d'entre nous (...) engendre 'r) un épanouissement de la personne, la possibilité de grandir et de se déployer en tant qu'être humain au lieu de se contracter".

Cela résume totalement l'expérience d'un concert de Nick Cave and the Bad Seeds. On a l'impression d'assister à une messe païenne, à une célébration autour d'un chaman, d'une impulsion de vie d'une intense authenticité. 


Les chansons de Wild God se prêtent entièrement à cet exercice et on aura droit à la quasi intégralité du disque interprété par Mister Cave et sa troupe. Dès le départ avec Frogs, Wild God et Song of the Lake on se retrouve emporté dans un tourbillon d'émotions d'une rare intensité. C'est beau, ca réchauffe le coeur, ca embarque nos âmes...

Pendant près de 2h30 on va avoir droit à une déferlante de chansons ultra puissantes : O Children, Jubilee Street, From Her to Eternity, Tupelo, Conversion et sa mantra (touched by the spirit touched by the flame)... Cave plaisante beaucoup avec Warren Ellis, on sent cette complicité empreinte d'un profond respect entre les 2 hommes. Ellis s'amusera de la remarque de Cave sur le fait qu'il habite pas loin en précisant en français d'un air amusé qu'il paie ses impôts en France.

On remarquera la présence à la basse de Colin Greenwood de Radiohead. A la fin du set, les 2 titres immuables des setlist de Mister Cave, Red Right Hand et Mercy Seat viendront définitivement raviver la flamme d'une communion aussi belle que mémorable...

Une soirée en tout point magnifique et pour laquelle on ne peut dire que Merci...

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dimanche 17 novembre 2024

Mustang à la Maroquinerie (15/11/24)


Mustang en Release Party à la Maroquinerie pour la sortie de Mégaphénix.

 Le groupe Mustang reste une énigme. Avec Megaphénix, leur 5ième album, le trio ne tenterait-il pas de nous donner quelques clés pour mieux comprendre? "Trop variet ou trop spé" comme le clame Jean Felzine dans le bijou qu'est "La porte au nez", est ce qu'il ne valent pas mieux "que ces barjots qui ont laché la barre" comme proclamé dans le morceau d 'ouverture du disque "je ne suis plus aimé"?

Déjà le 5ième album de Mustang, le temps passe vite, le succès d'estime reste mais le groupe n'a toujours pas l'exposition qu'il mériterait...Groupe iconoclaste, mais indispensable à nos oreilles. Jean Felzine possède l'une des plumes les plus intéressantes dans le bazar de la chanson française... 


La Chanson Française, pièce centrale de Megaphenix, ou comment délivrer des mots acerbes mais justes sur une ritournelle pop parfaite associée à une performance vocale au cordeau. Sur la forme, une berceuse attachante, sur le fond un récit offensif et désabusé... L'essence même de Mustang...

Depuis leur retour discographique post covid, le groupe assume pleinement son statut d'outsider à qui le succès populaire se refuse ostensiblement... Et ca lui va bien.... Cette acceptance libère, sans aucun doute, les mots de Felzine. Il retranscrit avec beaucoup d'humour cette tragédie dans ses chansons, n'hésitant pas à mixer écriture relevée et vulgarité gratuite, comme si il voulait piquer l'auditeur et le sortir de sa zone de confort... ou bien le flatter ou juste le faire rire ou sortir de sa torpeur... une forme de génie...

Sur scène, le trio insuffle une énergie rock à ses morceaux autour du classique power trio. Au son clair chorusé de sa Telecaster, Felzine s'avère etre un guitariste rythmique talentueux. Son acolyte des débuts, Johan Gentile, insuffle toujours un swing biens senti avec sa basse tandis que le nouveau venu à la batterie, Nicolas Musset (aussi réalisateur sur ce disque) amène une pulsation rock indéniable avec une frappe lourde et précise.

Mustang nous joue tout son nouvel album, presque dans l'ordre du disque. C'est peu banal, en général on doit attendre les anniversaires des sorties d'album pour avoir droit à ce genre de procédé... Décidemment, Mustang se joue des codes... Dans une Maroquinerie sold out, Mustang déploie ses ailes et ravit un public en amour avec ces marginaux en quête de respectabilité, à moins que ce soit le contraire...

Une fois Mégaphénix épuisé, le combo enchaine avec "ses vieux machins" et commence par le vraiment drôle et acerbe "fils de machin" aux paroles désopilantes... Du grand art. Mustang a quand meme un répertoire remarquable. avec des titres comme "Pole Emploi Geule de Bois", "les Oiseaux blessés", "le sens des affaires", "salauds de pauvres"... C'est un régal., l'ironie et l'humour, toujours. On ne pent s'empecher d'avoir un petit rictus amusé, presque jouissif à l'écoute des paroles.

Un groupe indispensable.

A lire également Mustang à la Maro en 2021 et dans nos TOP 2021 et 2014.

jeudi 14 novembre 2024

Fontaines D.C. au Zenith (13/11/24)


Le triomphe de Fontaines D.C.

Les irlandais de Fontaines Dublin City sont venus présenter au Zénith de Paris leur 4ième LP, Romance dans une salle pleine à craquer et gonflée à bloc. 4 disques en 5 ans et meme 5 si on compte l'excellent album solo du chanteur, Grian Chatten sorti en 2023 (voir notre top 10 2023). Des musiciens prolifiques et qui n'ont de cesse d'évoluer et de faire progresser leur univers rock vers de nouvelles contrées... 

Si leur 1r LP, Dogrel avait un coté pop punk fédérateur, les 2 immenses disques que sont a Hero's death et Skinty Fia amenaient le combo sur des aspérités psyche et shoegaze à la fois sombre et envoutantes, Romance opère une bascule vers une approche plus pop (ce n'est pas péjoratif en ces pages) tout en gardant leurs bases solides...


Enregistré avec le faiseur de miracle, James Ford (Arctic Monkeys, Depeche Mode, Blur, Beth Gibbons...), Romance voit les D.C. prendre de l'ampleur dans la mise en place de leurs arrangements avec beaucoup de trouvailles surprenantes qui font mouche et surtout une prise de risque salutaire au niveau du chant avec un Grian Chatten s'essayant aux voix de tête... Une réussite...

Exit donc leur producteur historique, le génial Dan Carey et exit aussi leur label indé Partisan Records, welcome XL Records. Un changement de braquet assumé au niveau sonique et business, meme si on parle pas de major, encore...

Romance est bourré de hits potentiels : Starburster et son génial souffle asthmatique sur le refrain, in the modern world entre the Jams et Oasis, Motorcycle boy et ses lignes vocales entêtantes, Sundowner et sa dream pop magistrale ou encore la ritournelle pop finale favourite... Un disque taillé pour les grandes salles...


Et forcément, après le point ephémère en 2019, l'Olympia en 2022, c'est au Zenith que les D.C. viennent récolter les lauriers mérités d'un travail acharné et précieux... La bande son des années 20? A en croire la composition du public on serait tenté de répondre par l'affirmative. les vieux fans de rock sont désormais rejoints par la jeune garde des nouveaux adeptes de la guitare, extirpés de la toute puissance des musiques urbaines qui écrasent tout désormais... C'est un fait, la guitare est redevenu l'outsider et c'est peut etre pas plus mal, ca lui va bien en fait.... Un retour aux sources....

Le début du concert est un peu poussif, le son est un peu lourd et on sent Grian Chatten qui a des difficultés à bien poser le bon timbre de voix... Un peu de rodage et dès la 4ieme chanson, A lucid Dream, le groupe prend son envol... Et c'est parti pour 1h20 d'un rock fédérateur et dévastateur oscillant entre moments en suspens à la noirceur envoutante (Big Shot, A Hero's Death), hymnes de stade (Starbuster, in the modern world, bug) et pop ciselée (Sundowner, Favourite, Big).

Le triomphe de nos hérauts modernes.

A lire également Fontaines D.C. à l'Olympia, à la Route du Rock et à Rock en Seine